vocabulaire stylistique pour l'analyse du roman
1. Ecrivain, narrateur...
On ne confondra pas :
- L'écrivain (c'est-à-dire Scarron : 1610-1660 ).
- Le narrateur qui n'existe que dans et par le texte, il est celui qui prend en charge l'histoire.
- Enfin l'écrivain ou l'auteur est également l'objet d'une représentation imaginaire de tous ceux qui, en lisant le récit, se font une image de son producteur (on parle de l'auteur modélisé, image plus ou moins ajustée à l'écrivain véritable).
On distinguera encore le lecteur (moi en 2005), le narrataire, c'est à dire celui qui dans le texte est mis en scène comme lisant l'histoire (du roman comique). Enfin, l'auteur réel, lorsqu'il raconte, imagine un lecteur que l'on peut dire modélisé. Ce lecteur modélisé n'est qu'une image que le producteur du récit invente pour ajuster ses
propres mots. En effet, il lui est nécessaire de se représenter son auditoire et d'adapter son discours à son interlocuteur imaginaire.
2. Les niveaux d'analyse
Au sein de l'énoncé, on distingue :
- La fiction --- aussi appelée diégèse --- qui renvoie au contenu mis en scène (les faits, les personnages, l'intrigue...).
- La narration, c'est-à-dire les choix techniques pour narrer. Choix qui structurent la mise en scène de la fiction : type de narrateur, présence affichée ou non d'un narrataire, ordre du récit, rythme, perspective choisie...
- La mise en texte : Elle renvoie aux choix lexicaux, syntaxiques, et stylistiques au travers desquels la fiction et la narration se réalisent.
3. Les composants de la fiction
a) L'espace
Les lieux fondent l'ancrage réaliste ou non réaliste de l'histoire. L'effet de réel naît du recours à des indications précises qui correspondent à notre propre connaissance du monde (emploi de toponymes, mention d'itinéraires...)
Les lieux ont des fonctions narratives multiples :
- Décrire le personnage par métonymie (le lieu où il habite et la façon dont il l'habite indiquent par voie de conséquence, qui il est).
- Décrire le personnage par métaphore (le lieu qu'il contemple par analogie à ce qu'il ressent).
- Annoncer de façon indirecte la suite des événements : Les lieux et leur atmosphère prédisent, en quelques sortes, l'histoire à venir.
- Structurer les groupes de personnages (souvent partagés en camps antagonistes séparés par des frontières concrètes ou symboliques).
- Marquer des étapes dans la vie et dans les actions.
b) Le temps
De même que pour les lieux, les indications temporelles participent à l'effet de réel quand elles renvoient à un savoir qui fonctionne en dehors du roman (les références à un événement historique). Elles assurent par ailleurs des fonctions narratives :
- Elles qualifient les lieux, les actions ou les personnages de façon directe ou indirecte (les rides, les fissures...)
- Elles structurent et distinguent les groupes de personnages (les mort des vivants, les vieux et les jeunes...)
- Elles marquent les étapes de la vie.
- Elles contribuent à la dramatisation du récit (suspens relatif à une échéance posée : compte à rebours lié à un pari, à une maladie, à un contrat...)
c) Les personnages
Greimas a proposé de lire les personnages comme des forces agissantes appelées actants. Il pose qu'il existe 6 catégories d'actants participant à tout récit défini comme une quête, et il regroupe ces 6 catégories deux par deux selon des axes fondamentaux :
- Le sujet cherche l'objet. L'axe du désir ou du vouloir réunit ces deux rôles
- L'adjuvant ou l'opposant respectivement aide ou s'oppose à la réalisation de la quête sur l'axe du pouvoir.
- Le destinateur et le destinataire, sur l'axe du savoir ou de la communication, font agir le sujet en le chargeant de la quête et en sanctionnant son résultat.
Les Actants ne sont pas nécessairement humains, il peut s'agir d'animaux, de forces naturelles…
Un acteur peut tenir plusieurs rôles conjointement.
4. Les composantes de la narration
a) Les fonctions du narrateur
Dans tout récit le narrateur assure deux fonctions de base :
- La fonction narrative : il raconte et évoque un monde.
- Décrire le personnage par métaphore (le lieu qu'il contemple par analogie à ce qu'il ressent).
- La fonction de régie ou de contrôle : il organise le récit dans lequel il insère et alterne narrations, descriptions, paroles des personnages...
Il assure encore :
- La fonction communicative. Elle consiste à s'adresser à un narrataire pour agir sur lui ou maintenir le contact. ex : " le lecteur se lassera-t-il de ces tristes détails ? "
- La fonction métanarative : elle correspond à une régie explicite de la narration.
Le narrateur commente l'organisation interne du texte. ex : " Le lecteur verra que je fais dans mon livre comme ceux qui mettent la bride sur le col de leurs chevaux et les laissent aller sur leur bonne foi. "
- La fonction testimoniale : Elle manifeste le degré de certitude ou de distance qu'entretient le narrateur vis-à-vis de l'histoire qu'il raconte. ex : " je n'en sais pas plus là dessus, je me tairai donc "
- La fonction modalisante : Elle est centrée sur l'émotion. Elle manifeste les sentiments que l'histoire ou le type de narration adoptée suscitent chez le narrateur. ex : " Ils se dirent mille choses si tendres que j'en ai les larmes aux yeux à chaque fois que j'y pense"
- La fonction évaluative : Elle est centrée sur les valeurs. Elle manifeste le jugement que le narrateur porte sur l'histoire, les personnages...
- La fonction explicative : interrompant le cours de l'histoire, celle-ci consiste à donner au narrataire les informations jugées nécessaires pour comprendre ce qui va se passer. Le récit est donc interrompu par des digressions explicatives. ex : " Devant que d'aller plus avant, il faut que j'apprenne à ceux qui ne le savent pas que les dames en Espagne ont des Duègnes auprès d'elles "
- La fonction idéologique : elle manifeste le rapport au monde du narrateur. Située dans les passages plus généraux (plus abstraits), elle prend souvent le forme de maximes proposant des jugements sur la société, les hommes... ex : " L'amour fait tout entreprendre aux jeunes et tout oublier aux vieux ".
Toutes ces fonctions sont parodiées par Scarron.
b) La perspective narrative
Il s'agit de l'angle selon lequel l'histoire est perçue, on distingue trois types de perspectives :
- La "vision par derrière " qui passe par un narrateur omniscient qui en sait plus que ses personnages. Le récit est dit non focalisé (focalisation zéro).
- La "vision avec " passe par un personnage (focalisation interne fixe) ou par plusieurs personnages (focalisation interne variable).
- La "vision du dehors " ou focalisation externe est celle dans laquelle le lecteur a l'impression d'un récit objectif, d'un univers non filtré (la vision, les sensations, les pensées du personnage nous sont inconnues).
c) L'instance narrative
Le narrateur qui est en dehors de l'histoire racontée (diégèse) et qui prend place dans le récit (cadre) est appelée le narrateur extra-diégétique (le " je " qui raconte l'histoirede la troupe de comédiens).
Les narrateurs qui prennent place dans les récits emboîtés (par exemple le destin raconte son histoire passée à la première personne) sont dits intra-diégétiques.
d) Les metalepses
Elles résultent de glissement entre la narration et la fiction. On appelle ainsi les interventions du narrateur. Qu'il nous semble :
- Que le narrateur semble intervenir dans la vie des personnages. Ex page 219 : " les deux comédiennes que nous avons laissées dans la maison où Angélique était enlevée, n'avaient pas dormi "
- Ou que les personnages semblent intervenir dans la vie du narrateur. ex : " cependant que les bêtes mangèrent, l'auteur se reposa quelques temps "
Dans le roman contemporain, les personnages franchissent la frontière entre fiction et narration pour apostropher le lecteur et l'auteur comme s'ils étaient au même niveau que le lecteur et l'auteur. ex : " - Voilà l'histoire est finie. Etonnée, elle battit des cils - Déjà ? mais il reste encore une dizaine de pages "
e) La vitesse de narration
La vitesse désigne le rapport entre la durée de l'histoire (calculée en années, en mois, en jours ...) et la durée de la narration (nombre de pages).
- L'effet d'accélération résulte de :
- L'ellipse (une partie de la fiction n'est pas racontée si ce n'est parfois par ses effets, donc de manière rétrospective).
- Le sommaire (consiste en un résumé d'un temps parfois long de la fiction). ex : " Les deux semaines qui précédèrent le mariage laissèrent Jeanne assez calme "
- L'effet d'égalité temporelle naît de la présentation de scènes : passages de texte qui se caractérisent par une visualisation forte (effet de zoom ) accompagnée notamment des paroles des personnages et d'une abondance de détail. On a l'impression que tout se déroule sous nos yeux en temps réel. (Par exemple grâce à l'emploi du dialogue)
- L'effet de ralentissement est produit par différents procédés :
- L'expansion de moments ou d 'actions secondaires.
- Description qui développe ce qui peut être saisi en un instant.
- Intervention du narrateur qui ne répond à aucune action dans la fiction.
f) La fréquence
Elle désigne l'égalité ou l'absence d'égalité entre le nombre de fois ou un événement s'est produit dans la fiction et le nombre de fois où il est raconté dans la narration.
- Le mode singulatif est celui de l'égalité : un événement X est raconté une seule fois.
- Le mode répétitif est celui de la supériorité narrative. Le texte raconte N fois ce qui s'est produit une seule fois. Cette technique est souvent liée à une vision polyscopique d'un événement.
- Le mode itératif est celui d'une infériorité narrative. On raconte une fois ce qui s'est produit X fois dans la fiction. Emploi de sommaires des temps de l'imparfait d'habitude. ex : " Tous les matins, elle prononçait les même mots ".
Le mode accumulatif. Le texte raconte X fois ce qui se produit X fois, mais la même manière. ex : le gag du pot de chambre dans ce roman. (entraîne un comique de répétition)
g) L'ordre
L'ordre désigne le rapport entre la succession des événements dans la fiction et l'ordre dans lequel l'histoire nous est racontée. Il existe deux grands types d'anachronie narratives :
- L'anachronie par anticipation (prolepse) : Le narrateur évoque un événement avant le moment où il devrait logiquement intervenir dans la fiction (rêves prémonitoires, prophéties, portraits orientés...)
- L'anachronie par rétrospection (analepse, également appelée flash-back dans le monde cinématographique) : Le narrateur évoque un événement après le moment où il aurait dû prendre place dans la fiction. Les analepses ont souvent une valeur explicative. Par exemple éclaircir le passé d'un personnage. (Le Destin évoque son passé alors qu'il fait déjà partie de la troupe des comédiens)